Les Cantons dans la lentille de Wood & Wheeler

Imaginez-vous au tournant du 20e siècle dans le comté de Brome : vous souhaitez avoir enfin un portrait de vos proches et vous? vous voulez un souvenir de votre chic demeure de Knowlton? Évidemment, c’est avec Sally Wood et John Wheeler que vous ferez affaire. Le 28 mai dernier s’est ouvert l’exposition Wood & Wheeler au Musée de Brome, qui met pour la première fois en vedette le travail remarquable de ces deux photographes de la région. Entre clichés commerciaux et artistiques, l’histoire locale s’y dévoile sous un éclairage très actuel. Pour connaître les dessous de cette exposition, nous nous sommes entretenus avec Jeremy Reeves, conservateur du Musée de Brome et de la Société historique du comté de Brome (SHCB).

Lumière sur une collection retrouvée

Tout a commencé autour de l’année 2016 lorsque plus de 600 négatifs photographiques sur plaques de verre de Wood et Wheeler ont été redécouverts dans les archives de la SHBC. L’importance historique de cette collection oubliée est immédiatement apparue à l’équipe du Musée de Brome. Après un long travail pour répertorier et numériser ces oeuvres, l’équipe a entamé à partir de 2019 la préparation d’une exposition et d’un catalogue autour des photographies de Wood et Wheeler.

Bien que leur lancement fut retardé d’un an en raison de la pandémie, Jeremy Reeves considère que ce délai « a donné le temps de monter un projet plus ambitieux au plan muséologique et intellectuel, qui met vraiment en valeur ces deux photographes. » L’attente en aura valu la peine, puisque le résultat surpasse les attentes.

Des méthodes victoriennes à la modernité inattendue

L’Édifice du Centenaire, où se déploie l’exposition temporaire, n’étant pas d’une grandeur infinie, « on a décidé de privilégier l’impact visuel au lieu de présenter plein de photos », explique Jeremy Reeves. Le musée expose d’après les négatifs de Sally Wood et de John Wheeler une belle sélection de portraits de gens de la région, souvent issus de la 2e ou 3e génération d’Américains et de Britanniques établis autour du lac Brome. De plus, la technologie permet d’en voir encore davantage grâce à un écran tactile connecté à la base de données regroupant les photographies retrouvées.

Quelques-unes des plaques de verre, parmi les 600 produites par Wood et Wheeler, sont exposées dans un dispositif permettant d’illuminer le négatif et de comprendre la scène captée. Cela permet aussi de découvrir les procédés techniques utilisés dans la photographie victorienne pour modifier et améliorer les photos, que ce soit dans un but esthétique ou artistique : « c’est Photoshop au 20e siècle! », renchérit Jeremy Reeves.

La photographie de paysage n’est pas en reste dans cette exposition. Ce qui deviendra le Chemin des Cantons a été parcouru par les deux photographes et beaucoup par Sally Wood, dont les cartes postales de la région ont été assez populaires. Une autre section se penche sur le parcours atypique de cette dernière, qui fut parmi les premières femmes photographes professionnelles au Québec et dans les Cantons-de-l’Est. « Non seulement le fait qu’elle prenne des photos en pleine nature, hors de la sphère domestique est un acte d’émancipation, mais ses sujets sont souvent des femmes émancipées », explique Jeremy Reeves. On la découvre aussi sous un angle nouveau alors que l’artiste contemporain Nicolas Ruel reproduit un négatif de Sally Wood sur une plaque d’acier inoxydable : le travail de la photographe y apparaît d’autant plus actuel, voire presque intemporel.

La dernière partie de l’exposition nous transporte littéralement dans un studio photographique d’époque, avec l’équipement et la caméra d’origine de John Wheeler. L’équipe du musée a cherché des détails dans les coins ou en marge sur les négatifs pris par le photographe pour reproduire aussi fidèlement que possible son environnement de travail tel qu’il était dans les années 1890 : impressionnant!

Un catalogue digne des grands musées internationaux

Pour accompagner et compléter l’exposition, le Musée de Brome a lancé un catalogue d’exposition absolument époustouflant. Cet ouvrage bilingue de 240 pages compte plus de 175 reproductions de haute qualité des oeuvres de Wood & Wheeler ainsi que des textes inédits écrits par l’équipe de la SHCB ainsi que des historiens renommés tels que Samuel Gaudreau-Lalande, directeur-conservateur du Musée Colby-Curtis (une autre étape du Chemin des Cantons). La conception graphique a été réalisée par Réjean Myette de l’Atelier Fugazi, qui a notamment monté plusieurs catalogues d’exposition du Musée des Beaux-Arts du Canada. Le lancement de ce catalogue permet à la SHCB de renouer, après 15 ans de pause, avec une tradition importante de publication de recherches sur l’histoire locale tout en en offrant un ouvrage attrayant, actuel et audacieux pour la région.

Le Musée de Brome est ouvert tous les jours de 10h à 17h pour la saison estivale. Notez bien qu’en 2021, le pavillon du Musée pour enfants reste malheureusement fermé en raison des contraintes sanitaires. Les personnes souhaitant visiter les différentes expositions sont invitées à acheter leurs billets à l’avance sur le site web. Bien sûr, malgré le déconfinement en cours au moment d’écrire ces lignes, les visites d’expositions sont uniquement permises avec une distanciation de 2 mètres entre les personnes d’adresses différentes et dans le respect des normes sanitaires : port du masque à l’intérieur, désinfection des mains, etc.

Toutes les photos ont été fournies par le Musée de Brome : nous les remercions pour leur collaboration.

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